L’hérésie de la semaine consistera à parler un peu de créativité et de composition, mais sans vous donner aucune solution, ni aucune indication.
Je sais, je sais, mon sens du n’importe quoi confine au divin…
On ne va pas parler de la créativité d’illustres photographes, ni détailler les règles de composition classiques, ni analyser dans le détail de mythiques photos qui ont fait le tour du monde.
Non, non, on va parler de VOTRE créativité, de VOS compositions. On va parler de la façon dont vous composez vos photos…
Oh non, pitié, j’ai seulement envie de faire comme tout le monde !
Voilà le principal problème avec ce que l’on nous enseigne généralement sur la composition créative. Sauf que la créativité, c’est tout l’inverse. Il ne s’agit pas de faire comme tout le monde, il s’agit de faire comme VOUS le ressentez.
L’objectif n’est pas de vous apprendre une liste de règles de composition. L’objectif est de trouver les compos qui vous parlent, vous émeuvent, vous font vibrer, pas celles qu’on vous vend comme étant les meilleures…
Bien sur que les photos sur les magazines sont excellentes –bon, les moyens à mettre en œuvre pour y arriver aussi-, bien sur que le monde de la pub et du show business vous présente des images irréprochables. Jusqu’à en être irréelles, souvent.
Et, société de consommation oblige, ces images, ces produits (idoles comprises), il ne suffit pas que vous les achetiez, il faut que vous les cherchiez, les viviez et les reproduisiez à l’infini, pour qu’au final vous ne voyiez que par eux…
Oh ben, si on peut même plus copier alors…
Rassurez-vous, tout le monde, face à une œuvre qui le fascine, tente de l’imiter ou de la reproduire, d’une façon ou d’une autre. C’est profondément tapi quelque part dans nos gênes, et cela s’avère être aussi une excellente façon d’apprendre et de progresser…
Mais avez-vous remarqué qu’inconsciemment le plus souvent, vous êtes toujours attiré par certaines photos, certaines ambiances, certaines teintes, certaines lumières ?
Le but de ces deux exercices est de vous fournir des techniques pour alimenter votre réflexion et votre analyse sur votre travail photo (techniques à la con, on n’est pas non plus en train de décrocher le prix Nobel).
Et merde, on va parler de sens de lecture…
Pour ceux qui ont manqué l’âge de pierre de la composition photographique, il y a deux règles d’or :
- La règle des 2/3 – 1/3, mais on ne va pas en parler aujourd’hui (qui a dit ouf ?)
- Le sens de lecture. Bon, faut pas rêver, vous n’allez quand même pas échapper à tout impunément, c’est donc là-dessus qu’on va s’exciter.
Le sens de lecture d’une photo part du principe simple que si on a l’habitude depuis l’enfance de lire les textes de gauche à droite (pour le monde occidental), on parcourt les photos de la même façon, de gauche à droite.
Pour ceux qui lisent dans l’autre sens (arabes, asiatiques), ben ils parcourent les photos dans l’autre sens.
De ce fait, ce qu’il y a de placé sur la gauche du cliché pourrait ressembler à l’introduction, le contexte, et ce qu’il y a sur la droite pourrait signifier la conclusion, le message de la photo.
Bon, ca, c’est ce qu’il y a dans les livres. Pas dans votre tête.
Premier exercice à la con – What the fuck le sens de lecture ?
(pour ceux qui y pannent que dalle à l’anglais, on va traduire ça par « qu’est-ce que c’est ce bordel de sens de lecture »)
Je ne vais pas vous dire comment organiser votre composition. Je vais juste vous livrer un petit exercice à la con.
L’objectif est de vous aider à trouver votre sens de lecture à vous, c’est à dire celui qui vous plait le plus.
Pour cela, chaque fois que vous aurez fait des photos, que vous les aurez rapatriées sur votre ordi et que vous aurez un petit moment devant vous :
- Inversez vos photos (du style « transformation manuelle » + « symétrie axe horizontal » sur Photoshop Elements, par exemple)
- Comparez l’original et le double inversé, et voyez lequel des deux clichés vous accroche le plus
- Conservez uniquement les doubles inversés qui vous percutent plus que les originaux, effacez les doubles « juste tièdes ou moins bien ».
- Essayez de comprendre pourquoi, et de dégager une tendance générale. Attention, pour y arriver, il vous faudra certainement faire cet exercice sur une période plus ou moins longue. Mieux vaut mettre un an pour comprendre qu’un mois pour renoncer…
Je vous livre un exemple sur une composition complexe (sujet, accessoires, décors)…
… et sur une composition plus simple (portrait orienté).
Deuxième exercice à la con – Adieu la couleur, bonjour la composition
Pour ce coup-ci, c’est pareil. Pas de conseil d’organisation mais un certain nombre de remarques.
Dans la composition d’une photo entrent en jeu des lignes directrices (obliques assez souvent) et des surfaces (même matière, ou même couleur). Bien sur, il y a des tonnes d’autres choses qui rentrent en ligne de compte, mais croyez-moi, les éléments géométriques comme ceux-là, c’est une valeur sure.
L’objectif de cet exercice est de vous aider à y voir plus clair dans la compo de vos photos. Le passage en noir et blanc souligne la géométrie d’un cliché, et évite la confusion que peuvent apporter les couleurs dans la lecture de la photo.
Pour ce faire, chaque fois que vous aurez un petit moment à consacrer aux dernières photos que vous avez faites :
- Passez vos photos en noir et blanc (vous devriez savoir faire)
- Etudiez le double en noir et blanc et notez les déséquilibres de compo qui vous sautent aux yeux (lignes, surfaces)
- Etudiez également sur le double en noir et blanc les points forts de la compo qui vous sautent aux yeux. Vous ne les aurez peut-être pas identifiés sur la photo en couleur, mais ils y sont. Gardez les doubles qui vous paraissent particulièrement intéressants et effacez les autres.
- Essayez d’identifier les compos qui vous sautent particulièrement aux yeux en noir et blanc. Essayez d’en dégager des tendances. Idem que pour l’exercice précédent, il vous faudra le répéter le temps qu’il vous faudra pour y voir plus clair dans les compos.
Retrouvons notre photo de pinup pour la passer en noir et blanc.
Prenons un autre exemple de portrait riche en couleurs.
Ze conclusion de l’espace
Ces deux exercices à la con ont trois mérites (en-dehors de remplir mon blog)…
Mérite number one
Ces deux exercices peuvent être réalisés simultanément, selon l’exemple ci-dessous. Analysez les 4 photos sous vos yeux (en supposant que ce sont les votres) et analysez vos réactions à la lecture.
Bon, si vous estimez que cela risque de tout mélanger dans votre tête, faites les exercices séparément, c’est vous le boss. On va pas risquer une méningite sur ce coup-là, quand même.
Mérite number two
Ces exercices vous mettent face à une très cruelle réalité : à savoir qu’il n’y a pas de bonne réponse, ou de vérité, il y seulement votre ressenti.
Votre ressenti n’a pas à être d’une logique cartésienne, il n’a pas non plus vocation a être écrit noir sur blanc.
C’est un élément fondamental de votre personnalité d’artiste.
Mérite number three
Ces exercices reprennent allègrement le vieux principe judéo-chrétien du « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » (sauf si tu es un homme politique, un fils à papa ou un zombie).
La créativité, ca se travaille. Et ca commence, les premières années surtout, par passer du temps à analyser ses propres photos…
Ze conclusion intergalactique de ze conclusion de l’espace
Ce petit article n’a pas pour vocation de vous enseigner l’art de construire et maîtriser vos compositions. Pour cela, il faut passer par des stages, du coaching et une bonne dose d’expérience.
Il donne cependant une indication précieuse pour ceux qui souhaitent approfondir la photo : matériel, technique, règles ne sont pas les éléments essentiels d’une démarche photographique.
L’élément essentiel de votre démarche, c’est VOUS.
Crédits photos :
- Modèle photo Bernie Dexter, cliché pris à l’occasion du festival Good Rocklin Tonight de l’association Blue Monday, au château de Salvert, Attignat (01)
- Modèle photo Allusyah, photo prise au Studio Laguarda France