Aujourd’hui je vais vous parler d’un concept fort enrichissant qui pourra vous permettre de mieux comprendre certains de nos congénères artistes… l’imposture.
Euh, c’est quoi un artiste-imposteur ?
Il faut avouer que l’artiste est souvent une bête bizarre que nous avons du mal à cerner. Là, on va juste en rajouter une couche.
En fait il existe deux types d’imposteur, celui qui se fout ouvertement de votre gueule et celui qui s’ignore. Nous allons nous consacrer à celui qui s’ignore. Pour l’autre, un simple caillassage en règle devrait suffire…
Donc notre imposteur qui s’ignore présente de nombreuses facettes et autres comportements qui portent la douce appellation de syndrome de l’imposteur. Vous en conviendrez, quand on a un syndrome pour nous (presque) tout seul, déjà, ça claque un peu plus…
Syndrome ? Putain, encore des termes super techniques….
Eh, eh, vous ne croyiez même pas que j’allais vous épargner non ?
Commençons donc par l’explication « intellectuelle » : le syndrome de l’imposteur est un fantasme masochiste qui finit par déstabiliser les bases narcissiques de notre pauvre bougre.
Là j’ai nettement conscience que certains sont complètement perdus… les mots de plus de trois syllabes sont souvent d’un mauvais goût absolu… et d’autres imaginent déjà des scènes de domination avec cuir, cravache et tout et tout…
Do not panic, je m’en vais éclairer votre lanterne.
Ouais, bon, maintenant que tu l’as ramené grave, tu peux expliquer, steuplé ?
Les personnes atteintes du syndrome de l’imposteur doutent de leur capacité, de leur réussite. Ils se sentent illégitimes dans leurs créations.
Vous allez me dire, à raison d’ailleurs, mais tout le monde doute… certes mais l’imposteur en fait une religion. Et c’est là que cela devient intéressant pour nous (sinon aucun intérêt à écrire cet article, vous en conviendrez).
Notre artiste-imposteur a tellement peur de réussir qu’il finit par s’auto-saborder et se trouve dans l’incapacité de développer son potentiel (si d’aventure il en a un mais ça c’est une autre histoire…). Ce qui est merveilleux dans
l’histoire, c’est que tout ça est purement inconscient (merci monsieur Freud !). Ainsi, il est intimement convaincu que sa réputation, sa réussite sont purs mensonges et poudre aux yeux. Il vit dans la crainte de se faire démasquer et fuit toutes possibilités de progression. Vilain petit canard devenu cygne… mais qui se voit toujours comme le seul petit machin noir et maladroit de la bande.
Bon, admettons… Et comment savoir si je l’ai choppé, ton syndrome machin ?
Dans ma grande bonté, je vous offre une petite immersion dans la tête de notre artiste-imposteur.
Quand le clampin moyen lui dit « J’aime beaucoup ton travail », « C’est vraiment sympa ce que tu fais », il répond avec un petit sourire gêné : «Oh tu sais ce n’est pas grand-chose, tout le monde peut faire pareil avec un peu de travail »…
Et dans sa tête, mise en branle d’une superbe machinerie avec un scénario à la Germinal.
Phase 1 – Je suis un gros fainéant
« Tiens du travail, mais ai-je seulement travaillé assez ? Est ce que je ne suis pas lamentablement en train de me reposer sur mes maigres acquis ? Quelle prétention ! Il va vraiment falloir que je m’y mette… sinon à force ils vont s’en rendre compte… se rendre compte que je ne suis qu’un amateur … »
Phase 2 – Je n’ai aucun talent
« Sur qu’on va forcément découvrir cette absence de talent, mes maigres facilités exposées sous les lumières de ma vanité…On me propose de me produire, de m’exposer, on m’encourage à continuer, à me montrer…
On m’explique, on me démontre mes « petites réussites »… mais en quoi reflètent-elles une réalité ?
Phase 3 – J’ai juste du bol
« Je me suis trouvé au bon endroit au bon moment… j’ai rencontré les bonnes personnes c’est tout… »
Phase finale – Super mega mix over ze top
« Pff, ils mélangent tout, travail, talent, chance… Mais je sais que je suis une grosse feignasse sans une once de talent qui a juste plus de chance que la moyenne…»
Et là, je sais que pas mal d’entre vous vont arriver à se reconnaitre…
Elle voit des artistes-imposteurs partout…
Attention, certains peuvent avoir des comportements similaires à notre artiste-imposteur, sans souffrir de son syndrome.
Le faux-modeste
Le faux modeste a beau s’en défendre publiquement, il est généralement bon, voire très bon dans son domaine. Il le sait et gonfle généralement tout le monde avec sa fausse modestie, car bien étalée, elle est beaucoup plus efficace que de la vanité de première bourre.
Le vrai imposteur
Lui, il sait qu’il ne vaut pas grand chose artistiquement, mais il se régale à faire croire à son talent auprès de sa petite (ou grande) cour de groupies lèche-culs. Cynique, manipulateur, arriviste… vous l’avez compris, il possède la plupart des qualités actuelles nécessaires pour réussir.
Le mec normal
Non, ce n’est pas une légende urbaine, l’homme normal, bien qu’on n’en ait pas encore pu en capturer un, semble bien exister. Cette créature assez incroyable combine vraie modestie, lucidité et un brin d’humour. Méfiance, donc …
Et concrètement, il fait quoi le gars pour s’en sortir ?
C’est là que le syndrome approche du divin : notre artiste-imposteur est persuadé qu’à n’importe quel moment, quelqu’un va démasquer son absence de talent et l’exposer au grand jour.
Il va donc mettre en place des stratégies qui, je vous le donne en mille, vont renforcer son syndrome.
Donc soit il s’abîme la santé et déploie une énergie folle, comme ça si ça marche, aucun rapport avec son talent mais plutôt avec la quantité de travail effectué…
Soit il laisse couler et ainsi pourra expliquer son hypothétique réussite par la chance ou le contexte favorable.
Wé, t’as gagné, je flippe grave, là. Et maintenant,on peut vraiment en guérir de ce truc ?
Déjà, avant d’envisager quoi que ce soit, il faut s’en rendre compte, ce qui n’est pas gagné.
Ensuite, vous n’avez qu’à prendre une carte de fidélité chez un bon psychologue. Mais vous pouvez être sur qu’une telle prise en charge est synonyme d’épanouissement financier pour le professionnel de santé, qui lui donnera sans doute le nom technique de « fond de caisse ».
A noter que dans leur grande mansuétude, l’APA (société américaine de psychiatrie) ne considère pas le syndrome de l’imposteur comme une pathologie et donc, à ce titre, il n’est pas inscrit dans le DSM-IV (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux).
Le syndrôme de l’imposteur serait-il une imposture ?
Ok, ok, vous avez bien mérité ces deux Doliprane…
Ouf, j’ai pas choppé ce truc… Mais comment je fais si je croise un mec infecté ?
Petit conseil à la con : si vous décelez un artiste-imposteur, ne tentez pas de le rassurer ou de le convaincre de son talent, c’est peine perdue. Au contraire, plus vous insisterez sur ses qualités, plus il doutera et culpabilisera.
Faites-lui juste votre plus beau sourire et reculez gentiment à une distance suffisante pour laisser votre place à une âme beaucoup plus patiente et charitable que vous (une copine qui souffre du syndrome de l’assistante sociale, par exemple)…
Il n’y a rien que vous puissiez faire, mis à part me l’envoyer pour que puisse terminer ma piscine à vagues.
Non parce que quand même, Mission Impossible, ça va 5 minutes !
Séléné Mandragora